Débat d’orientation budgétaire 2024

Conseil municipal de 8 février 2024

Le Débat d’Orientation Budgétaire intervient tous les ans en amont du budget. Il permet d’avoir une visibilité sur la trajectoire empruntée par la commune et en théorie d’alerter sur les problèmes à moyen terme.

Contrairement au budget, il n’est pas voté mais acté comme ayant été présenté en conseil municipal.

Le DOB 2024, matérialisé par le Rapport d’Orientation Budgétaire exposé en commission et transmis en annexe des délibérations quelques jours avant le conseil municipal, montre cette année une situation très inquiétante pour les finances de la commune. À court terme (3 ans c’est court pour une collectivité), notre capacité d’autofinancement disparaît purement et simplement. C’est inquiétant car cela traduit que Voreppe ne pourra pratiquement plus faire face à ses charges incompressibles.

En séance, le Maire a répondu avec optimisme en minimisant la situation, arguant que toute prospective est fausse, que les dépenses étaient surestimées et les recettes sous-estimées.

Nous ne contestons pas cette approche classique dans toute construction budgétaire. C’est le contraire qui serait inquiétant et ne traduirait pas un budget réaliste (la terminologie consacre le terme de « sincère »).

Monsieur le Maire a également ajouté que, traditionnellement, les comptes administratifs (donnant la réalité d’exécution budgétaire l’année suivante) ont toujours montré que la situation n’était pas catastrophique, et que les recettes étaient au rendez-vous.

Certes, mais là encore, la situation des prospectives précédentes était stable contrairement à aujourd’hui où notre capacité d’autofinancement s’écroule.

Nous ne partageons pas cet optimisme béat qui dédouane des choix opérés et cache la poussière sous le tapis… même si, sincèrement, nous aurions aimé que Voreppe ne se dirige pas vers un tel gouffre.

Voici notre intervention en séance traduisant et expliquant nos inquiétudes.


Le débat d’orientation budgétaire intervient dans les 10 semaines précédant le vote du budget. Il a pour objectif de poser le contexte national, de l’intercommunalité et de la commune ainsi que les hypothèses retenues pour établir le budget. Il s’inscrit également dans une vision prospective indispensable pour anticiper les tendances et ne pas piloter à vue.

Nous ne nous étendrons pas sur le contexte national. C’est une donnée d’entrée sur laquelle la commune n’a pas prise. Soulignons néanmoins que l’État sollicite les collectivités pour l’effort de réduction des dépenses publiques. Mais rappelons que les collectivités, donc Voreppe, doivent voter des budgets à l’équilibre, contrairement à l’État et que les contraintes imposées peuvent fragiliser les communes, premiers acteurs de la vie quotidienne, notamment avec la rigidification de leurs recettes qui suivent de moins en moins l’inflation.

Concernant la prospective que vous présentez, nous retenons un point majeur : l’écroulement à court terme de notre capacité d’autofinancement qui passe en 3 ans de plus d’1,1 M€ à 26 000 € (0,026 M€). C’est du jamais vu et très inquiétant, surtout à si brève échéance.

Ce qui est encore plus inquiétant c’est que le document ne donne aucune analyse et décision concrète pour rétablir la situation.

Face à un tel écroulement, il est surprenant de ne pas avoir le graphique de l’évolution de la capacité de désendettement dans le document transmis, ni en commission, alors qu’il est présenté chaque année.

Pour rappel, la capacité de désendettement donne le nombre d’années qu’il faudrait pour rembourser nos emprunts si la ville y consacre toutes ses recettes restantes. Il était depuis quelques années autour de 7 (aux alentours de 4 il y a 10 ans). Rappelons que le seuil de vigilance pour les communes est situé à 8 et le seuil d’alerte à 12 ans.

Vous avez bien voulu me transmettre ce graphique il y a 2 jours et je vous en remercie. Nous n’avons pas pu malheureusement en discuter bien qu’il appelle quelques questions et remarques :

  • dès l’année prochaine, les finances de la commune dépassent et le seuil de vigilance et le seuil d’alerte à environ 17 ans. L’année suivante c’est encore pire, on est aux alentours de 20 ans
  • on ne voit pas 2027 (il s’arrête à 2026), alors même que la prospective nous montre un écroulement de la capacité d’autofinancement (division par 12 en 1 an). À combien d’années s’élève le ratio de désendettement pour 2027 ? Je n’ai pas osé une règle de 3, elle aurait été fausse. En tout état de cause, ce chiffre a de fortes chances d’être encore bien plus fort
  • on constate une remontée du « capital restant dû » en 2026 d’environ 3 M€. Un nouvel emprunt est-il d’ores et déjà prévu ?

Cette situation est très inquiétante. A très court terme Voreppe n’aura plus d’autofinancement, c’est-à-dire la capacité à établir un budget.

Et ce n’est pas parce que l’on emprunte trop mais c’est que l’on n’aura bientôt plus de quoi payer ce qui est bien plus grave. Renoncer à emprunter, c’est renoncer à des investissements. C’est dur, mais c’est des arbitrages. Ne plus pouvoir payer, c’est être mis sous tutelle. Ce qui est bien plus grave !

En regard de cette capacité d’autofinancement, vous présentez votre Plan Pluriannuel d’Investissement (PPI). Outil de prévision, le PPI fait partie intégrante de la prospective financière. Il permet à la ville de planifier ses investissements sur le long terme et d’anticiper les besoins connus.

Sur la forme, on pourrait être content, on voit beaucoup de colonnes. Hélas, elles concernent le passé, ce qui n’est pas forcement la bonne direction pour orientation budgétaire …

Vous faites de cette présentation du PPI un outil de communication et de promotion en présentant vos investissements passés au détriment d’anticiper les difficultés devant nous.

Malheureusement, il n’est donné en fait qu’à 3 ans ce qui est très peu et du coup n’anticipe pas les besoins pourtant connus pour la commune. Un PPI avec plus de vision, traditionnellement à 10 ans, permet d’avoir de la visibilité des besoins et de déterminer ainsi une trajectoire correcte. A 10 ans, il donne les besoins, et sur 5 ans glissants se doit d’être financé. Alors, là il devient un réel outil opérationnel qui sort de l’affichage dans un document.

Dans le contexte d’écroulement annoncé de notre autofinancement, le contenu de ce PPI mérite un réel débat sans dogmatisme. Par exemple, sans être exhaustif, l’investissement de près de 4,5 M€ pour l’accueil de loisir est-il indispensable ? 1/2 M€ pour le plan informatique dans les écoles est-il correctement dimensionné ? …

Ceci est une perche tendue pour discuter ensemble tous élus confondus et essayer de trouver des solutions … Nous l’avions déjà formulé l’année dernière lors du DOB, je cite les le compte-rendu « nous proposons qu’un point d’étape soit fait au milieu de l’année sans attendre l’année prochaine pour un nouvel état prospectif ». Cela n’a pas été fait. Nous espérons pour cette année …

Concernant le cadrage pour le budget 2024, nous pouvons noter quelques points.

Le budget primitif 2024 est basé sur une évolution modérée du tarif de l’ensemble des services municipaux avec une hausse de 1,7 % (page 9). Cette hausse n’est-elle pas en contradiction avec la trajectoire prospective que vous fixez vous même (page 7) « de recettes de services qui augmente fonction de l’inflation (+5%) »

Attention, je ne dis pas qu’il faut augmenter plus que de raison les tarifs, je souligne simplement que vous énoncez des orientations et que vous ne les tenez pas. Et cela contribue encore à dégrader la prospective à 2027 dont nous avons parlé. L’enjeu est bien d’avoir une prospective claire pour pouvoir redresser la barre, pas d’énoncer des orientations qui ne sont pas tenues ou tenables.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 2,5 % issues principalement d’une hausse de 2,4 % de la masse salariale (58 % de nos dépenses) et d’une hausse de 6,6 % des charges à caractère général (~ 28 % de nos dépenses)

On note que la hausse des charges à caractère général est due en partie à des contrats de prestation : nouveaux marchés publics restauration scolaire et nettoyage des locaux, révision d’indice de la DSP relative à l’accueil des enfants durant la pause méridienne.

Ce que vous avez cherché à économiser en ressource humaines en externalisant (notamment le nettoyage des locaux) vous le retrouvez sur cet autre poste dont les tarifs sont révisés à la hausse tous les ans, et parfois fortement comme en ce moment. Les critères de revalorisation sont souvent bien plus fort qu’une augmentation de la masse salariale due au GVT

Pour un même service rendu, vous avez +6,6 % de prestation au lieu de +2,4 % de GVT.

Le budget 2024 s’oriente vers une enveloppe d’investissement hors PPI de 970 k€. Nous saluons cette décision après plusieurs années de sous-investissement sur notre entretien courant (de l’ordre de 6-700 k€/an). On le sait, un sous-entretien se paye très cher à terme, une fois la situation dégradée. On le voit par exemple malheureusement sur nos écoles comme Achard.

Enfin, le document fait état de l’effet ciseau désormais installé (nos dépenses qui augmentent plus vite que nos recettes), je cite « un maintien des soldes intermédiaires de gestion malgré un effet de ciseau qui s’installe en section de fonctionnement : au regard des trajectoires prospectives, une vigilance est donc de mise quant à la fragilité de l’autofinancement dégagé; »

Le terme de vigilance est faible, on en est plus là. Face à la situation dégradée à court terme, nous aurions aimé savoir quelles actions allaient être mises en place, quelle stratégie pour contrecarrer la prospective sur l’écroulement de notre autofinancement et cet effet ciseau. Malheureusement, rien n’est avancé.

Pour conclure,

Cela fait plusieurs années, à chaque DOB, que nous alertons sur la trajectoire. En reprenant les comptes-rendus des débats de 2021, 2022, 2023 , on peut lire en substance « nous prenons acte de cette présentation et exprimons de vives réserves et une certaine inquiétude sur les trajectoires financières qui pourraient être prises pour notre commune » (ça c’était il y a 3 ans)

Mais, ce qui est fait est fait, nous ne cherchons plus à savoir comment nous en sommes arrivés là (quoique ce serait intéressant en soit).

Ce qui nous inquiète c’est la situation à très court terme de notre capacité d’autofinancement (3 ans c’est très court pour une collectivité) et que vous ne présentez aucun plan d’action formel pour redresser la barre.

Un ratio de désendettement qui s’envole, une capacité d’autofinancement qui s’écroule à court terme, un effet ciseau installé.

On aurait voulu avoir tort. Mais ça y est, lancé à pleine vitesse, on voit le mur. Et sans action forte, que vous ne donnez pas, on va se le prendre ou alors un freinage très très brutal.

À moins que vous ne laissiez cette situation pour le prochain mandat ….