Abattage des arbres de la Roize – Courrier au préfet

La municipalité veut encore abattre 25 arbres en bord de Roize dont 7 uniquement sont expertisés à abattre. Nous nous sommes exprimés à de nombreuses reprises sur ce sujet depuis la première phase de l’année dernière.

L’abattage d’une allée plantée nécessite une autorisation préfectorale. Le préfet a un mois pour statuer sur le dossier. Une non-réponse dans un délai d’un mois pour acceptation.

En apprenant l’envoi de la demande d’autorisation à la préfecture par la municipalité le 24 octobre 2023, nous avons envoyé nous aussi un dossier à la préfecture exposant une solution alternative à l’abattage massif.

Malgré la forte contestation des citoyens lors de la réunion du publique du 11 octobre 2023, malgré 270 signatures à la pétition lancée par des citoyens « touche pas à mon ombre », malgré nos propositions de projet alternatif, la majorité est restée sourde à toute remise en cause de son action.

Dans le bilan mi-mandat de la majorité, madame Gérin écrit : « la démocratie locale doit permettre une expression pluraliste pour amener les politiques publiques à agir au plus près des besoins des citoyens ».

Qui peut encore y croire ?

Nous présentons ci-après :

Nous sommes déçus de n’avoir reçu aucune réponse des services de la préfecture.

Et donc un projet de la municipalité qui va défigurer durablement encore un peu plus notre commune.


Courrier au préfet

Monsieur le Préfet,

Vous avez été saisi en date du 24 octobre 2023 par la commune de Voreppe pour une demande déclaration préalable pour abattre 25 arbres dans le cadre du réaménagement d’une voie verte le long de la rivière la Roize.

Conformément au décret n° 2023-384 du 19 mai 2023 relatif au régime de protection des allées d’arbres et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, les projets d’abattage d’alignement d’arbres doivent être validés par vos soins.

Ce projet, décidé unilatéralement, fait l’objet de nombreuses contestations de citoyens de Voreppe.

En tant qu’élus, quoique minoritaires, nous avons travaillé sur ce dossier et force est de constater que nous n’avons pas la même analyse du diagnostic et de son utilisation dans la justification de l’abattage.

Notre réflexion nous conduit à vous soumettre un projet alternatif qui propose un étalement dans le temps des abattages en fonction de l’état des arbres en présence.

L’enjeu étant d’avoir des arbres anciens et d’autres plus jeunes à différents niveaux de croissance pour que cette voie verte reste ombragée et demeure un îlot de fraîcheur sans discontinuité.

Vous trouverez ci joint notre analyse des documents du diagnostic montrant que, pour la majorité des arbres mentionnés, l’abattage n’est pas urgent.

L’abattage massif sur la voie verte de Roize sans transition est pour nous contraire à l’intérêt général et à la réalité des conséquences du changement climatique.

Nous vous remercions par avance pour l’attention que vous porterez à ce dossier.


Les points qui sont développés ci-dessous, reprennent les éléments techniques du rapport d’expertise, ainsi que les éléments mis en avant par la commune.

Éléments techniques du rapport d’expertise

Le rapport d’expertise a été traduit par le schéma suivant, indiquant comme synthèse :

  • 7 arbres rouges (abattage préconisé),
  • 13 arbres orange (nécessitant des interventions d’entretien plus ou moins lourds à court ou moyen terme)
  • arbres en bonne santé.

Si l’on retraduit plus précisément le rapport, on obtient les résultats suivants (cercle intérieur : état physiologique – cercle extérieur : état mécanique) :

On note que le bilan est beaucoup plus nuancé que dans la synthèse présentée :

  • Il n’y a que 5 arbres « rouges » (tout ou partie)
  • Rares sont les arbres « totalement » orange
  • Parmi les 7 arbres « à abattre », 4 le sont pour motif de « gestion »

On pourrait se poser la question du nombre d’arbres (7 ? 5 ?) considérés comme à abattre en fonction des critères exposés. Mais partons du principe que ce nombre est justifié.

En croisant cette vision avec le risque (initial et final) présent lui-aussi dans les fiches des arbres, on obtient les résultats suivants :

  • En risque initial, on note 1 seul risque fort (rouge), 14 risques modérés (orange) et 9 risques faibles (verts).
  • En risque final (incluant l’abattage potentiel des 7 arbres), on ne note plus que 5 risques modérés (orange) et 13 risques faibles (verts).


Dans cette configuration, après entretien (risque final), on voit que la plupart des arbres passent alors à un risque faible.

En conclusion, pourquoi ne pas privilégier un entretien des 18 arbres « non rouges » afin de prolonger leur longévité et assurer une transition progressive pour renouveler l’allée le long de la Roize ?

On remarquera à l’occasion que la planche de l’arbre n°42 du rapport d’expertise, l’un des plus gros de l’alignement, est probablement erronée, une incohérence apparaissant entre son bilan (rouge/jaune), sa silhouette (vert/jaune), le risque (jaune) et le classement final (rouge). Cliquer sur l’image pour agrandir.

Le projet cite le rapport d’expertise (non disponible au public) qui stipule qu’« il conviendra, à un terme choisi mais assez proche, de renouveler l’ensemble de l’alignement. Son espérance de maintien est de moins de 10 ans. »

Outre le fait que l’expert lui-même en réunion publique a admis ne pas avoir de boule de cristal pour prédire exactement la durée de vie d’un arbre, une durée de 10 ans est suffisamment longue et précieuse pour en profiter, pour ne pas accélérer les choses et attendre de voir si le déclin annoncé est avéré ou pas.

Une période de 10 ans permettrait ainsi d’échelonner les plantations et de conserver des îlots de fraîcheur au cours des années.

Points de discussion

Certains points sont mis en avant dans le projet pour justifier l’abattage de 25 arbres. Ces points méritent pourtant d’être regardés de près, car parfois réducteurs et « simplificateurs ».

« Assurer l’esthétique de la composition »

Il est défendu un besoin de rendre l’alignement plus esthétique et plus continu. La notion d’alignement se réfère par définition à un ensemble de même espèce. Par suite, le projet tel que proposé ne correspondra plus à un alignement à proprement parler: on mélangera plusieurs espèces avec des houppiers disparates en taille et en feuillage.

Le critère « esthétique » avancé est alors très subjectif et prête à discussion. Pour rappel, sur la partie basse de la promenade de Roize, il existe un alignement de platanes ; qui voudrait abattre ce superbe alignement au motif qu’il est non esthétique ?

Par ailleurs, le rapport affirme aussi que « les abattages et renouvellement par tâche ne sont pas efficaces ni pertinents en termes de perception paysagère ». Il est prévu de remplacer un alignement par une grande diversité d’espèces de tailles et de ports différents.

En quoi le fait de garder des arbres plus vieux pendant quelques années est-il différent de l’objectif recherché ?

Certes, la diversité des espèces est mise en avant. Aujourd’hui, des arbres bien présents ont permis le développement d’une biocénose propre à cet alignement. L’abattage en coupe rase, sans progressivité, va donc éliminer cet équilibre en place ; équilibre qu’il faudra attendre plusieurs années avant de se remettre en place.
Le robinier est présenté dans le projet comme une espèce envahissante ; ce qui est le cas notamment sur des talus de voies ferrées. Mais lorsque l’on a un alignement vieux de près de 40 ans, sur une digue, sans rejet, peut-on objectivement parler d’espèce envahissante ? N’est-il pas dommage de mettre en avant cet argument pour justifier l’abattage des 25 arbres ?

« Augmenter le nombre d’arbres »

Il est prévu dans le projet de remplacer 25 arbres par 41 plantations. Si l’on peut a priori se réjouir du nombre (même si la densité pose question, compte tenu du peu d’espace sur la digue et de la concurrence, notamment avec des cèdres ou des pins…), on notera que cela ne représente finalement que 16 espèces de première grandeur, proposant une ombre réelle. En faisant un pari que tous les arbres prendront racines et qu’il n’y aura pas de perte lors des plantations…
Pour mémoire, la partie amont de la Roize (16 arbres abattus en 2022 en rive gauche et 2015 en rive droite) n’apportera pas d’ombre, car les espèces replantées sont de arbres de 2ème et 3ème grandeurs (lilas des Indes, notamment).

Le projet met en avant le risque de chute potentielle d’arbres ou de branches. Certes, l’absence d’arbres ou la mise en place de murs seraient moins coûteux en entretien. Mais pourquoi de nouveaux arbres n’auraient-ils pas le même travers (devoir être entretenus) ? On pourrait même dire que de jeunes arbres nécessitent plus d’entretien (voire parfois un remplacement, s’ils ne prennent pas) que des arbres bien implantés.

« Conservation des arbres identifiés comme sains »

Pourquoi ne parler que de 5 arbres, et pas des 18 arbres qu’il n’est pas nécessaire d’abattre ?

Encore une fois, le projet, probablement pour des questions de simplification, propose une solution tout ou rien, sans analyser d’alternative modérée et pertinente pour la gestion des arbres présents.

Il est avancé l’argument que l’abattage de l’ensemble des arbres permettraient d’éviter la mise en concurrence entre vieux arbres et nouvelles plantations. Or un tel argument est-il entendable quand on projette de planter 41 (!) arbres sur le même espace ? De manière concrète, certains espaces inter-arbres sont actuellement amplement suffisants pour ne pas parler de concurrence. Cependant, avec ce nombre de 41 nouvelles plantations, la question de la concurrence se reposera fatalement.

« Sécuriser les usagers »

Un autre argument avancé est la présence de racines sur la voie cyclable. Effectivement, 3 arbres sur les 25 ont des racines affleurantes. Pourquoi ne pas considérer ces arbres spécifiquement (traitement racinaire, rénovation de la chaussée, abattage) plutôt que de réaliser un abattage de l’ensemble de l’alignement ?

Comme l’a précisé l’expert en réunion publique, un arbre cherche le chemin le plus facile pour ses racines ; du coup, n’y a-t-il pas une contrainte à cet endroit qui rendra complexe le développement d’un autre arbre ?

« Lutter contre les îlots de chaleur »

C’est peut-être là le point le plus problématique. Si l’objectif est louable, comment une coupe rase de 25 arbres permet cette lutte durant les 10 ans qui suivront, le temps que les arbres deviennent jeunes adultes ? Une solution d’abattage progressif, uniquement lorsque cela est nécessaire, n’est-elle pas définitivement plus judicieuse au vu de cet enjeu majeur et partagé ? Certes, cela demande plus d’entretien, et peut-être un coût plus élevé pour la commune ; mais n’est-ce pas la qualité de vie pour des années de plus en plus chaudes qui est recherchée ?